Historique de la plate forme par Jean -Luc BOCLE, Directeur d'Initiative Martinique
La Martinique des années 80 est marquée par un fort chômage, une société caractérisée par la distorsion introduite par la différence des niveaux de rémunération entre les secteurs privé et public au détriment du premier, avec pour conséquence le renforcement du désintérêt chronique pour l’initiative, la production et donc la création d’entreprises.
Les rares velléités entrepreneuriales étaient le plus souvent découragées par l’entourage et l’ambiance normative, la fonction publique, réplique parfaite du modèle français et gage de « statut social » attirant les plus diplômés.
Le système éducatif calqué sur le système hexagonal a joué ici un rôle déterminant en ne fournissant pas l’approche de la réalité socio-économique décrite par des auteurs martiniquais.
Dans le Discours antillais Edouard Glissant soulignait qu’en organisant l’échange de services contre des biens fabriqués ailleurs la dynamique du système n’a fait que débiliter la création et la production locale:
«…une grande partie du peuple martiniquais prend peu à peu l’habitude de la non-production, s’installe dans cette passivité(…) Ensuite, la stéréotypie technique, qui s’installe avec l’émiettement des pratiques de survie et la disparition des métiers traditionnels, entraine une inertie technique telle que le martiniquais se persuade qu’il n’a rien à inventer dans son pays et que d’ailleurs il ne le pourra pas…»
Dans le même ordre d’idées une étude réalisée en 1990 pour le compte de la SODEMA (Société de Crédit pour le Développement de La Martinique) sur le thème «les mentalités des martiniquais face aux enjeux du développement» révélait que seul un tiers des martiniquais se sentait dans une situation de sous-développement.
C’est donc dans un environnement culturel, économique et social peu propice que Initiative Martinique a vu le jour en 1989 sous l’impulsion de Louis CRUSOL enseignant universitaire et premier vice-président du Conseil régional, Alex Le SAUSSE, Directeur de la SODEMA et Henry SYLVESTRE, ancien Directeur de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique. Leur crédo: «la croissance sans développement tirée par les transferts publics touche ses limites».
Il convenait dès lors de trouver des solutions alternatives pour un développement réel et durable. Le Conseil régional s’est attaché en s’appuyant sur ses partenariats, à créer les conditions plus favorables à l’initiative et au développement grâce, notamment, à l’organisation des premier et deuxième Forum de l’Entreprise.
La reconnaissance du rôle primordial joué par l’entreprenariat pour la création de richesses et d’emplois a peu à peu suscité le désir d’entreprendre.
Les promoteurs de cette nouvelle approche, élus locaux et acteurs privés ont réalisé la nécessité d’accompagner financièrement et techniquement les porteurs de projet. L’Agence pour la Création d’Entreprise a été sollicitée pour le lancement de l’Opération ODACE et INITIATIVE FRANCE pour la création de la plateforme Initiative Martinique.
Cette dernière a pour missions:
– L’accueil et l’orientation des porteurs de projet de création, reprise ou développement d’entreprise
– L’analyse des projets,
– Le financement des entreprises au moyen de prêts d’honneur (prêt personnel, sans garantie et sans intérêt, conditionné par l’accord d’un comité d’agrément)
– Le suivi de l’activité grâce à des outils personnalisés susceptibles d’apporter au chef d’entreprise des éléments de perspective
La plateforme est un outil au service du territoire ; elle insère son action dans une démarche de développement local comme le stipule la Charte éthique d'Initiative France. Elle se distingue par son caractère partenarial.
La Charte d’Initiative France pose le principe clairement :"Une plateforme Initiative est au service de solidarités collectives "
A ce titre, elle construit des liens partenariaux:
– entre tous les agents économiques du territoire:
(Collectivités locales (Conseil régional, Conseil général, villes, CACEM, CCNM),les bénévoles de la délégation EGEE Martinique, les Chambres consulaires, l’AMPI,la JCE, la CGPME, la DIECCTE, les entreprises privées telles que SARA, France Télécom, les établissements de crédit dont le Crédit Mutuel, la Bred, la Caisse d’Epargne, le Crédit Maritime, la BNP)
– avec les autres opérateurs de l’aide à la création d’entreprises
– et enfin avec autres plateformes du réseau Initiative France notamment les plateformes d’Outre Mer avec qui elle a fondé l’association Initiative Outre Mer
Son action repose sur l’association étroite des salariés et des bénévoles. Plus de 60 personnes sont mobilisées: 09 permanents salariés et une cinquantaine de bénévoles.
L’engagement de ces derniers va de pair avec leur expertise, leur connaissance et leur expérience de l’entreprise, leur action en faveur du développement économique local. Ils agissent de manière à la fois professionnelle et désintéressée.
Ils sont chefs d’entreprises, experts comptables, cadres dirigeants ou seniors et peuvent remplir plusieurs rôles :
Pour conclure quelques chiffres
En 23 ans MI a accueilli 13000 porteurs de projets, accompagné et financé plus de 2000 créateurs d’entreprise pour un total de 16 000 000 €.
Dans le cadre du plan CORAIL plus d’une centaine d’entreprises ont obtenu 1.7 M€
Depuis 2010 dans le cadre du plan de relance régional près de 80 entreprises ont été financées et 2M€ accordés.
Annuellement une centaine de chefs d’entreprise bénéficient des formations proposées par la pfil.
Chaque année 200 à 300 emplois sont créés ou maintenus grâce à ces dispositifs.
Au-delà des chiffres, c’est l’évolution des attitudes face à la création qui mesure le succès de la plateforme et fonde l’espoir en un avenir plus prospère: l’image de l’entreprise et de l’entreprenariat est désormais revalorisée.
C’est ainsi qu’on observe une augmentation du pourcentage de salariés parmi les bénéficiaires de prêt.
Toutefois le parrainage qui est l’une des composantes essentielles de l’appui au créateur, dont le but est de renforcer les chances de succès du projet par la mise à disposition du savoir-faire et du professionnalisme d’un chef d’entreprise confirmé, demeure embryonnaire.
C’est la raison d’être et l’enjeu de cette réunion au service de la grande cause de l’Entreprenariat.
Ce volet de l’activité sera développé par M Eddy LOUIS-ALEXANDRE dont l’engagement et l’enthousiasme sont communicatifs.