ZSP : les acteurs locaux dressent un premier bilan
Mesure phare du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, les zones de sécurité prioritaires (ZSP) se déploient progressivement.
Objectif : concentrer les moyens dans les territoires les plus exposés à la délinquance. Sur le terrain, les premiers enseignements montrent une réelle mobilisation policière et judiciaire. Tous les acteurs concernés se réjouissent des renforts humains annoncés.
Toutefois, le risque de déplacement de la délinquance existe. Pour les élus et les professionnels, le principal enjeu réside dans les relations partenariales et la relance d’une nouvelle politique de prévention de la délinquance. Or, la majorité des communes concernées disent ne pas être associées aux ZSP.
Une ambition unanime : concentrer les moyens là où c’est nécessaire.
Dans l’attente d’une évaluation nationale, le ministère de l’Intérieur affiche des résultats positifs et souligne le recul du sentiment d’insécurité. Les partenaires locaux, dont les maires, saluent la concentration des moyens mais se disent vigilants.
Huit mois après leur lancement en grandes pompes, quel bilan tirer des zones de sécurité prioritaires (ZSP) ? L’enjeu est de taille : depuis son arrivée à la tête du ministère de l’Intérieur, il ne se passe pas une semaine sans que Manuel Valls vante les vertus de ce dispositif, sans doute le plus ambitieux en termes de sécurité publique. Pour y voir plus clair, un séminaire d’évaluation nationale, initialement prévu au début du mois d’avril, se tiendra le 13 mai à Lyon, en présence des services de l’Etat et des élus locaux concernés. Dans ce contexte et avant la tenue de ce rendez-vous officiel, la Gazette tire les premiers enseignements des 64 zones mises en œuvre à ce jour.
Territoires ciblés – L’ambition est claire : il s’agit de « mettre le paquet là où il le faut », répète le ministre depuis l’été dernier. Selon les termes de la circulaire du 30 juillet 2012, les ZSP « correspondent à des territoires ciblés dans lesquels des actes de délinquance ou d’incivilité sont structurellement enracinés ». Selon le texte, les actions conduites devront « être concentrées sur un nombre restreint d’objectifs » comme l’économie souterraine, les trafics de stupéfiants ou encore les nuisances de voie publique.
La carte de France des 64 zones de sécurité prioritaire
Nouveaux modes opératoires – Des objectifs qui ont amené les forces de l’ordre à mieux coordonner et davantage mobiliser leurs moyens d’intervention : opérations judiciaires nombreuses et régulières, patrouilles renforcées. « La ZSP est une méthode de travail qui permet à la police ainsi qu’à l’ensemble de ses partenaires d’œuvrer de manière chirurgicale, selon des objectifs définis, sur des lieux précis d’actions ciblés sur un territoire restreint », souligne Lucien Pourailly, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de la Haute-Garonne.
Concernant les moyens humains, les ZSP sont surtout synonymes d’effectifs supplémentaires. En réalité, elles opèrent à moyens constants par réorganisations internes et renforts de CRS et d’escadrons de gendarmes mobiles. « Il a été nécessaire de mobiliser des effectifs dédiés aux deux ZSP de Strasbourg, notamment ceux de la compagnie de sécurisation, à présent territorialisés, et qui travaillent dans le cadre d’une proximité renforcée », indique Jean-François Illy, DDSP du Bas-Rhin.
Des premiers résultats encourageants – Au ministère de l’Intérieur, où une « unité ZSP » a été créée, on évoque des résultats prometteurs. « Après six mois d’activités dans les 15 ZSP de la première vague, nous pouvons observer de manière générale des améliorations au travers de certains indicateurs en baisse : violences urbaines, atteintes aux personnes, ou encore cambriolages. Grâce également aux réunions organisées avec la population, on s’aperçoit que le sentiment d’insécurité est en recul », indique Édith Minier, chef de l’unité. À Strasbourg, le taux d’élucidation a grimpé de 45 à 53 % d’octobre 2012 à mars 2013, comparé à la même période de l’année précédente. « Les dégradations sont en diminution et il n’y a pas de flambée d’incendies volontaires et de violences urbaines en réaction à notre intervention », note Jean-François Illy. À Marseille depuis octobre 2012, les cambriolages ont chuté de 6,3 % et à Mantes-la-Jolie les vols avec violence ont diminué de plus de 27 %. Pour Emmanuel Roux, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), « la ZSP est un dispositif qui reconnaît notamment une capacité d’innovation locale. La mayonnaise est en train de prendre d’un point de vue strictement policier mais aussi en termes de partenariat, les acteurs locaux ne travaillant plus seulement en même temps mais ensemble ».
Même appréciation du côté de la Justice : « Les résultats sont tangibles et significatifs. La concentration des moyens porte ses fruits. Les coups et blessures, destructions et incendies volontaires sont en baisse dans la ZSP de Lille », remarque Frédéric Fèvre, procureur de la République de Lille, qui a désigné un magistrat référent et réactivé un groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) sur le périmètre de la ZSP.
Satisfaction et vigilance – Côté élus, le sentiment est partagé entre ceux qui ont été associés à la démarche ZSP et les autres (lire page suivante). A Paris, la mobilisation policière et judiciaire suscite la satisfaction parmi les élus locaux. « La ZSP, c’est du cousu main. C’est à l’échelle locale, une capacité d’innovation qui permet d’impulser des stratégies adaptées au terrain. Tous les acteurs travaillent avec des objectifs territorialisés que nous mettons en œuvre ensemble », indique Myriam El Khomri, adjointe au maire de Paris. À Mulhouse, « nos dispositifs existants sont optimisés par une mobilisation des moyens et des énergies », estime pour sa part Paul Quin, adjoint au maire.
La vigilance reste de mise car face au traitement privilégié de l’État dans ces zones, le risque d’effet plumeau, c’est-à-dire de déplacement de la délinquance, existe. « La ZSP est un élément de notre stratégie territoriale globale pour tous les quartiers. Il n’est pas question de délaisser des territoires », précise Paul Quin. Ailleurs, les renforts policiers semblent effectivement déporter certaines activités délinquantes sur les villes périphériques. C’est notamment le cas dans les banlieues lilloises ou marseillaises.
La préoccupation est aussi valable concernant les effets de l’action à long terme : « les renforts de police dans les ZSP parisiennes sont importants et les habitants le reconnaissent, ajoute Myriam El Khomri. Tout de même, la situation reste fragile. L’objectif est d’avoir un dispositif dans la durée avec des effectifs fidélisés, si l’on veut travailler à des solutions durables et observer des résultats ».
« La ZSP a amélioré l’échange d’informations »
Bernard Farret, procureur de la République, Amiens
«Pour l’institution judiciaire, le principal intérêt d’une ZSP réside dans l’échange d’informations qui permet notamment une plus grande réactivité des services de police sur les enquêtes menées. A Amiens, elle a permis de focaliser l’attention de tous les services partenaires. En ce sens, la ZSP fait mieux que le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) car le travail partenarial y est élargi et encore plus approfondi. Concrètement, cela passe par un plus grand nombre de réunions, qui nous permet d’obtenir davantage de précisions sur les dossiers et de lancer de nouvelles initiatives. Ainsi, le parquet participe à des réunions avec le préfet et la police, mais aussi avec le préfet et le maire. Les relations sont harmonieuses. De plus, la ZSP a pour ambition d’allier répression et prévention. Par exemple, nous traitons aussi bien des actions de prévention de la récidive à conduire que des problématiques de politique de la ville. »
Source : Le Club prévention sécurité – Lagazette.fr